Le monde du BDSM a toujours suscité des réactions aussi diverses que contrastées : curiosité, intérêt, envie, incompréhension, dégoût, rejet, passion, clichés ou critiques. C’est un univers qui questionne tant sur les

Le monde du BDSM a toujours suscité des réactions aussi diverses que contrastées : curiosité, intérêt, envie, incompréhension, dégoût, rejet, passion, clichés ou critiques. C’est un univers qui questionne tant sur les notions de plaisir et douleur, que sur la propriété corporelle  et intellectuelle, mais aussi sur la notion fondamentale de liberté.

Depuis plusieurs mois, je ne cesse d’explorer à travers des rencontres, mais aussi des soirées qui me permettent non seulement de me découvrir dans ma sexualité, de me questionner, mais aussi de faire tomber certains clichés sur ces pratiques. J’ai trouvé une façon de sortir d’une sexualité trop « génito-centrée » qui me pesait et du  quasi sacro-saint parcours «fellation, cunnilingus, pénétration et…orgasme », dans le meilleur des cas. Non pas que le BDSM soit la seule voie possible pour s’échapper d’une sexualité un peu trop « normée », mais il a été pour moi une réelle libération.

Petites précisions toutefois nécessaires :  le BDSM ne se résume pas au sado masochisme, comme beaucoup de personnes le croient. Il est bien plus riche que cela. BDSM signifie : Bondage et Discipline, Domination et Soumission, Sadisme et Masochisme. Il y a donc une multitude de pratiques qui, certes, pour beaucoup impliquent de donner ou de supporter la douleur, physiquement, mais il y a aussi tous les jeux liés à la domination/soumission, l’humiliation, la contrainte, qui procurent un plaisir davantage cérébral que sexuel à proprement parler. Le principe qui anime toute activité BDSM est le SSC : « Sécuritaire, sain et consenti » (Safe, Sane and Consensual).

Il va sans dire que je n’évoquerai ici que les pratiques sécurisées qui ont lieu uniquement entre adultes consentants. Il n’est aucunement question de faire l’apologie de quelque forme de violence et d’abus que ce soit.

Jeudi 14 février 2019, 20h30 :

Je suis  invitée à une soirée munch & play. Kezako ? C’est une soirée ouverte à toutes les personnes pratiquantes ou non du BDSM ou simplement curieuses, qui se réunissent pour échanger sur leurs pratiques, s’informer, découvrir et aussi jouer* (*c’est le terme employé lorsqu’on pratique). Débat, démonstration et pratique sont réunis. Le thème de ce munch est la pratique de la bougie, ce qui m’intéresse particulièrement pour avoir commencé à l’expérimenter avec mon partenaire/maître, en tant que soumise.

A mon arrivée, l’ambiance est décontractée et j’ai (presque) l’impression d’être à une soirée entre potes ! Une fois que nous sommes au complet, l’hôtesse commence par nous donner toutes les consignes en matière d’hygiène. Elle nous explique longuement la façon dont on doit se laver les mains, si, si ! (mesure numéro 1 que toute personne devrait faire avant d’en toucher une autre !). J’apprends aussi beaucoup de choses sur les différents types de produits pour désinfecter les accessoires que l’on utilise : distinguer les désinfectants (pour les objets et accessoires), des antiseptiques à utiliser sur soi (peau, muqueuses). On parle aussi antifongiques et antibactériens. Bref, toute la panoplie pour se débarrasser de « crobes », miasmes et autres bestioles indésirables en tous genres !

Vient ensuite l’intervention d’un professionnel qui fabrique ses propres bougies végétales et qui nous donne d’abord les consignes avant toute utilisation. Une grande bâche a été étendue sur le sol pour pouvoir faire la démonstration avec une jeune femme qui, après avoir retiré ses vêtements, excepté sa culotte, s’allonge sur le dos pour faire le cobaye. L’homme commence la démo, tout en nous expliquant qu’il ne faut pratiquer qu’avec des bougies basse température (sinon on prend le risque de causer des dégradations des tissus), commencer en étant à environ un mètre au-dessus de la peau, et descendre progressivement suivant les réactions de la partenaire. Moins il y a de distance entre la bougie et la peau et plus on ressent la sensation de chaleur. Il applique d’abord de la crème hydratante sur le corps de sa partenaire, en nous expliquant que cela permet d’enlever la cire ensuite plus facilement. Il fait même tomber des gouttelettes de cire sur la langue de la jeune femme, en nous précisant que, contrairement aux idées reçues, certaines régions sont moins sensibles qu’on ne le croit. Je le vois jouer avec deux bougies sur le corps de cette jeune femme, (qui a visiblement l’habitude de la pratique), en faisant même glisser la flamme le long de la peau. Tout cela est fascinant.

A la fin de la démo, certains continuent de discuter, d’autres investissent le donjon (espace de jeux équipé) pour jouer. Je décide d’aller y faire un tour, en observatrice (pour satisfaire mon côté voyeur). Je vois une femme très dénudée, installée sur la croix de Saint André (un X qui permet d’attacher les poignets et les chevilles et maintenir les bras et jambes écartés, pour y être fouettée par exemple ou tout autre délice). Elle reçoit des coups de fouet de son partenaire. Cette pratique me fascine : il y a la beauté du geste, les différents sons du claquement du fouet dans l’air ou sur la peau, la complicité entre les joueurs et la recherche des limites dans la douleur.  Quelques coups lui arrachent toutefois des cris qui sont un signal pour le donneur qu’il faut certainement « ralentir » ou prodiguer quelques moments de caresses ou baisers bienvenus pour apaiser le feu sur la peau. Je vois aussi deux autres couples qui pratiquent le Shibari (bondage japonais, jeux de cordes) qui est magnifique aussi à regarder, car très artistique.

Je décide ensuite de retourner dans la grande salle où se trouve l’homme qui nous a fait la démo. Je reste un long moment à parler avec lui. Il me montre des photos qu’il a prises de diverses séances avec des partenaires et me parle aussi d’autres pratiques, plus extrêmes comme le fire play (jeux avec le feu) , le knife play (jeux de lames) ou le breath play (asphyxie érotique). Nous abordons le sujet de la limite et de l’intégrité physique. Il m’explique qu’on parle souvent des risques, pour un ou une soumise, de tomber sur un maître (maîtresse) qui ne respecterait pas les limites de son ou sa partenaire, mais que l’opposé existe aussi : certaines personnes soumises ne connaissent pas leurs limites et peuvent se mettre en danger. C’est alors au maître (maîtresse) de décider d’arrêter le jeu. Je crois qu’en matière de BDSM, c’est un point crucial qui souvent interroge et à juste titre. Chaque personne est différente et a ses propres limites. Elle doit pouvoir les identifier et au fur et à mesure des pratiques, elle va en repousser certaines. Cela fait partie d’un processus de connaissance de soi et permet de gagner en confiance et en force. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, se soumettre implique une force. On ne peut se soumettre que si on est capable d’accorder sa confiance en l’autre et  de pouvoir lâcher prise totalement. Il faut être mentalement fort et solide et toujours garder un esprit de discernement quand on navigue dans cet univers.

Après ma passionnante conversation, je termine la soirée en observant un couple qui s’adonne à la bougie sur la bâche étendue parterre. Je suis fascinée par le spectacle qu’ils nous offrent : le maître joue avec plusieurs bougies entre les mains, faisant tomber les gouttes de cire de différentes couleurs sur la peau de sa partenaire, qui se retrouve tel un tableau dont il serait le peintre. Le corps de la jeune femme se retrouve recouvert de taches multicolores : c’est magnifique. Vient ensuite le moment d’enlever la cire… Je vois alors le maître s’emparer d’un grand couteau, et, le geste assuré, commencer à décoller les gouttes de cire, les unes après les autres. Le spectacle de cette jeune femme qui livre son corps à cette lame que son partenaire manie avec la plus grande dextérité, en toute confiance, est fascinant.

J’ai ensuite quitté ce lieu qui fut comme une parenthèse de délices, en ayant un peu perdu la notion du temps. Je me suis fait la réflexion suivante : si l’univers du BDSM peut faire peur, inquiéter voire être considéré comme un monde pour psychopathes ou pervers en tous genres, il est grand temps de faire tomber les préjugés et informer sur la réalité de ces pratiques. Certes des dérives peuvent exister, comme partout, et il convient de savoir s’entourer des bonnes personnes, de faire preuve de bon sens et suivre son intuition. J’ai vécu cette soirée dans une ambiance totalement sécurisée et libre.

Rappelons que toute pratique du BDSM se vit à l’intérieur d’un cadre qui est posé entre les partenaires, qu’il soit écrit ou oral. Ce cadre est une sorte de « garant » que les deux partenaires consentent à certaines pratiques et pas à d’autres. Les limites, qui sont mouvantes, sans cesse explorées et repoussées doivent être le sujet d’une communication constante. Toute personne qui souhaite pratiquer le BDSM, particulièrement si elle doit se soumettre à un partenaire, doit lui faire part de ses limites, envies, tabous et choisir un « safe word » (mot de sécurité) qui, s’il est prononcé, arrête immédiatement la séance de jeux et marque là la fin du consentement.

Je ne dirais toutefois pas que le BDSM est un monde idéal de « bisounours » où « tout le monde il est beau et il est gentil » ! (Si un tel monde existait, nous y aurions déjà tous migré !). Mais au fil de mes explorations, je me rends compte que l’image que nous en avons  est souvent assez loin de la réalité. La découverte pour moi de la relation Domination/Soumission plus spécifiquement m’a plongée dans cet univers et a contribué à changer radicalement la vision de ma sexualité. Bien évidemment, cette exploration de sa propre sexualité doit être une démarche que l’on décide soi-même, issue d’un réel désir, d’une véritable curiosité. Il ne s’agit pas de replacer la femme dans un contexte où elle se sentirait poussée à le faire soit par un « effet de mode » pour se dire « libérée » à tous prix, soit poussée par un partenaire, pour « faire plaisir » au détriment de ses réels besoins à elle.

Que ce soit donc à travers le BDSM ou non, je ne peux qu’encourager chaque femme à vivre sa sexualité, quelle qu’elle soit, le plus librement possible, d’oser, d’être curieuse et audacieuse, de se défaire de ses croyances limitantes pour vivre toutes ces merveilleuses sensations et émotions qui nous font nous sentir plus vivantes que jamais et plus fortes.

Alysse