Vu que je ne suis pas parisienne, j’ai très peu l’occasion de prendre le métro ; 3 ou 4 fois par an maximum. Et quand je le prends, je ne me lasse pas de scruter l’usager. Épier le gens, j’adore ça tu sais et je le fais avec délectation, vierge de toute blasitude, j’ai toujours l’oeil curieux qui s’émoustille pour pas grand chose. L’autre jour, alors que je devais me rendre chez ma pote Peltoche, j’ai eu la grande joie d’emprunter la ligne qui va en direction de Belleville. J’avais un bout de chemin à faire, je me suis donc assise et j’ai commencé à zieuter l’alentour. J’ai très vite repéré dans un coin du wagon, un grand type d’une banalité indécente en train de pianoter compulsivement sur son téléphone. Ni laid, ni beau, la mine légèrement renfrognée, on peut dire que ce mec irradiait de platitude. « Tu vois, me suis-je dit, peut-être que ce gars tout gris a 15 000 followers peut-être que ce grand machin transparent est sur le point de balancer une punchline de la mort qui va défoncer la Twittosphère pendant 3 heures au moins. » Parce que Twitter c’est un peu ça, c’est le rutilant Panthéon des ombres anonymes.
Depuis 3 mois, j’ai un compte Twitter et depuis 3 mois, je vois le monde un peu différemment. C’est marrant hein ? Quand je me suis inscrite, j’ai tout de suite capté LA base de ce petit cosmos virtuel, LA règle d’or qui détermine d’office ton camp, celui des winners ou des losers : pour un minimum de Tweet cred’, tu te dois d’avoir impérativement plus d’abonnés que d’abonnements. Et plus l’écart entre les deux se creuse, plus la puissance de ton influence tend vers l’indéniable. En ce qui me concerne, je suis 33 « personnes » alors que seules 25 me suivent. Autant te dire que c’est la franche misère, que j’ai le désagréable et persistant sentiment d’avoir un peu raté ma vie. Enfin bon, j’essaye de ne pas trop y penser.
Je dois cependant reconnaître quelques avantages à cet état de fait ; mes 25 sont fidèles, je n’ai pas encore eu à subir le traumatisme d’un cinglant unfollowage et grâce au petit nombre, mon étude de chacun n’en est que plus attentive et minutieuse. J’aimerai ici noter, mes grandes et premières impressions sur ce petit monde étrange qu’est Twitter, les marquer avant qu’elles ne m’imprègnent et que je ne les oublie.
Twitter, petit rocher monégasque du web. Ambiance luxe, calme et volupté. Rien à voir avec l’autre franchouillard de Facebook.
La meuf y est pétillante et incroyablement libérée, le mec drôle et charismatique. Et tout ce petit monde vaque à ses occupations dans une relative bonne humeur. Attention hein, je ne dis pas que TOUT n’y est que futilité et légèreté, mais un peu quand même. Le twitto lambda est propre sur lui et bien peigné, un petit peu snobinard sur les bords, il s’exprime plutôt bien et exerce des jobs dans la publicité, la communication, le journalisme ou l’audiovisuel. Je n’ai encore jamais croisé de twitto chauffeur de bus par exemple. Pas encore du moins. Y a bien quelques chômeurs par-ci, par-là, mais ça ne ruisselle pas la précarité. Ça tweete et ça retweete paisiblement, ça se dragouille gentiment et chacun promotionne son blog ou son Tumblr à qui mieux mieux, là-d’dans. Je me rends compte que finalement, les seules qui ont encore la rage au clavier, qui foutent un peu le boxon dans le bocal, ce sont les féministes. (hasta la paridad siempre !)
Sur Twitter, on évite de s’épancher sur la viscosité de ses pertes blanches ou sur les dernières facéties de sa petite nièce Nono. Tout reste assez superficiel, anecdotique. Juste de l’instantané saisi au vol que le « 140 caractères », imperturbable sentinelle, t’empêchera de creuser quoi qu’il en soit. D’accord. Mais de quoi y cause t-on alors ? Petit tour des principaux sujets de conversation :
– La pluie et le beau temps. Et à chaque phénomène météorologique d’envergure, sa palanquée de photos instagramées. La neige y est, non sans espièglerie, comparée à de la cocaïne (rhoo les coquinous) pendant que les twitteuses se plaindront des premières chaleurs qui les font méchamment suer de la face dans les transports en commun. (sans photo cette fois.)
– La tévé-poubelle (la vie). C’est drôle de constater que le twitto qu’on imagine pourtant jeune dynamique à la vie trépidante, passe tous ses samedi soirs devant The Voice.
– La bouffe. J’ai pris 2 kilos depuis que je suis sur Twitter. No comment.
– La politique / les actualités sont suivies de près et massivement commentées. La Twittosphère se divise en 2 hémisphères : la droite, la gauche et le moindre faux pas y est lynché sans appel, descendu en flèche. Que dis-je, mitraillé à la kalachnikov, plutôt. Les têtes de turc favorites du moment sont, au coude à coude pour la place number one, Boutin et Morano et pas un jour ne passe sans que leur nom ne soit cité. Je m’interroge souvent à ce sujet, un tel niveau de bêtise crasse mérite t-il vraiment autant d’attention ?
J’ai gardé pour la fin, l’impression qui m’a le plus grandement interpellée : Twitter serait-il une petite dictature de l’humour ? Sarcasme, ironie et cynisme sont légion chez l’oiseau bleu et ce, jusqu’à l’overdose. Je ne suis ordinairement pas la dernière lorsqu’il s’agit de se fendre la poire mais là, c’est de la compèt’ de Ligue 1, du high level de fou-furieux et j’en frôle l’écoeurement. Le monde actuel est-il à ce point morose qu’il faille impérativement s’enrober d’humour noir pour pouvoir le regarder en face, sans sombrer dans le désespoir ? Et LA question qui me taraude : ils sont où dans la vraie vie, tous ces gens si drôles qui foisonnent sur Twitter ? Une chose est sûre déjà : pas dans mon bureau de quiches aux fions crispés.
0LilasGoldo
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