Shadowplay est le nouveau programme à grand spectacle proposé par Canal+, qui emmène ses spectateurs au cœur d’un Berlin post-guerre décimé par la haine et la violence de ceux qui l’habitent.
Étonnant parcours que celui de la série Shadowplay, d’abord projetée en exclusivité au festival , avant d’être diffusée sur ZDF (une chaine allemande), d’atterrir sur Netflix US au mois d’août 2021 puis, enfin, sur Canal+ le 2 septembre.
Sortie plutôt discrètement,cette production allemande, canadienne et française créée par Måns Mårlind mérite pourtant, on vous l’assure, toute votre attention.
Shadowplay, une fresque historique saisissante
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un policier américain, Max McLaughlin, débarque dans Berlin-Ouest détruit par les bombes ennemies, où règnent le vol, le viol, et la famine, pour aider à la création d’un « commissariat » de police essentiellement tenu par des femmes.
En parallèle, Max investigue sur ce qu’est devenu son frère Moritz… et va vite se rendre compte que ce dernier est devenu chasseur de nazis.
Dans ce Berlin sans foi ni lois encore secoué par des années de guerre, les vies sont fragiles, la violence permanente. Accompagné de l’énergique et courageuse Elsie Garten, ancienne professeur de sémiotique reconvertie en cheffe de police, Max affronte chaque jour l’âpreté d’une ville qui porte encore les stigmates de l’horreur.
Shadowplay, un programme grandiloquent
Période historique hautement tragique, personnages torturés, déprimés, violentés, décors de ville bombardée, traque de nazis : on ne rigole pas une seule seconde devant Shadowplay, mais ce n’est pas grave, on n’est pas là pour ça.
Ce qui compte ici, c’est le récit épique des personnages : chacun a un dessein précis à accomplir. Animés par la vengeance et la haine, ils vont tout faire pour obtenir justice. Car ce qui rassemble les héros inquiets de Shadowplay, c’est qu’ils ont tous été victimes d’une cruauté sans égale.
Une femme violée par des soldats russes, un frère sur lequel on a tiré de sang-froid, un môme dont les parents ont été déportés à Auschwitz : tous répondent à une forme de violence différente, tantôt eux-même par la violence, tantôt avec pacifisme.
Shadowplay, les femmes en ligne de front
Ce qui marque, de prime à bord, c’est que ce sont les femmes, les premières victimes de la violence qui ravage Berlin dans Shadowplay.
L’une des héroïnes de la série, par exemple, est forcée d’avorter dans des conditions minables après qu’elle a été violée par des soldats russes, qui en guise de consolation lui jettent un paquet de cigarettes à la figure en la traitant de « pute allemande » quand ils en ont fini avec elle.
On découvre le visage de cette femme au tout début de la série, alors qu’elle se noie sous les larmes et les hoquets — cette scène est sans doute l’une des plus fortes du pilote de Shadowplay, car la caméra est braquée en permanence sur les yeux et les joues de Mala Emde, gonflés de désespoir.
La détresse de cette protagoniste, couplée à celle d’Elsie Garten et des autres membres du commissariat, dont les cernes trahissent la faim et l’épuisement, en disent long sur ce que ces femmes subissent au quotidien, dans ce Berlin dévasté.
Le programme, s’il suit principalement un héros masculin, prend soin de capturer les histoires des autres victimes de la guerre. Celles qui n’ont pas connu les armes et le front, mais bien la colère de ceux qui y sont allés.
Qu’ils soient russes, allemands ou anglais, les monstres de Shadowplay sont en tout cas des hommes bien de chair, rongés par la haine et prêts à tout pour assouvir leur désir de violence.
Shadowplay, c’est du grand spectacle comme sait si bien les créer la chaîne allemande ZDF, dont les contenus manquent cruellement à notre paysage audiovisuel. Il vous faudra toutefois être un brin indulgente avec les personnages, qu’une écriture parfois un peu maladroite enferme dans des caricatures.
Mais une fois la paix faite avec les gros sabots qu’enfile l’intrigue de temps en temps, on passe un moment de divertissement plutôt édifiant !
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