Peut-on en vouloir à certains hommes de galérer avec les nouveaux codes de la séduction, quand ces codes ne sont pas établis ? Bien sûr, l'idée même d'un
Peut-on en vouloir à certains hommes de galérer avec les nouveaux codes de la séduction, quand ces codes ne sont pas établis ? Bien sûr, l'idée même d'un guide expliquant comment se comporter avec la moitié de l'humanité est absurde : les femmes ne sont pas une catégorie homogène. Du coup, leur guide est le même que le vôtre : la déclaration des droits humains. La Constitution. Le code civil, le code pénal. Le réglement de l'entreprise. Etc.
Ce qui n'empêche pas Caitlin Moran, dans The Cut, d'offrir une oreille compassionnelle aux hommes :
"Tous les problèmes que j'ai eu pendant mon adolescence, les hommes les ont eus aussi. Il n'y a pas de manuel pour les hommes qui aimeraient avoir des aventures sexuelles incroyables. Il n'y a pas de schémas pour expliquer comment approcher une femme de manière sympa et inspirée, découvrir ses préférences sexuelles, obtenir des conseils pendant que vous êtes à poil, et apprendre comment s'améliorer sans se sentir étrangement, horriblement émasculé.
[...] Vu la manière dont se comportent leurs modèles sexuels, les hommes doivent basiquement réinventer l'eau chaude sexuelle à chaque fois. Il n'y a pas d'hommes qui bloguent honnêtement sur le sexe. Les magazines féminins proposent quantité d'astuces sexuelles, mais aux hommes on explique seulement comment acheter des montres et des costumes (ndMaïa : GQ fait exception, pour le coup - ça va bientôt faire dix ans que je m'occupe du sexe). Les hommes ne peuvent pas se poser au bar et glousser en s'épanchant sur la mécanique du sexe - il faut toujours que ce soit des "anecdotes de baise légendaire". Il n'y a pas de mouvement masculin analysant de manière constructive les politiques du sexe dans le but de bénéficier à chacun (ndMaïa : le Good Men Project fait ça très bien), seulement des masculinistes et autres incels qui se plaignent furieusement du manque de générosité sexuelle des femmes. Hollywood préfère montrer une demi-douzaine de planètes qui explosent, plutôt qu'un simple baiser dont on se rappellerait [ici un éloge du baiser dans Spiderman en 2002, mais ça remonte à loin].
Où exactement un homme peut-il poser une question honnête, ouverte, potentiellement angoissante, concernant le sexe ? Cet espace n'existe pas. Alors les hommes font tenir la barque, avec la masse d'information pourrie qu'ils ont reçue - et avec les conséquences amères pour tout le monde."
Pas mal, non ?
Bien sûr que la transmission est importante, mais il faut bien dire qu'en ce moment, côté séduction, on n'a pas grand-chose à transmettre. J'ai beaucoup lu de remarques portant sur le fait que "les féministes ne proposent rien" - et sans vouloir me répéter, le climat actuel impose un ordre des priorités légèrement différent. En ce moment, comme femme, j'aimerais arriver à aller au sport en short sans devoir changer quinze fois de trottoir pour éviter le harcèlement : huit mois après #metoo, j'en suis encore là, et objectivement, il m'arrive de penser que si je donne un conseil et que 4908 mecs me la ressortent, je ne gagnerais pas au change (demander des astuces de séduction à quelqu'un appartenant à la catégorie à séduire, c'est comme demander au client du restaurant la recette du plat qu'il va manger). Cette demande de transmission, n'est-ce pas demander aux femmes de se taper votre part du boulot ?
Cette fameuse conversation dont parle Caitlin Moran, il faudrait que les hommes acceptent de l'avoir entre eux - plutôt que réclamer des recettes de cuisine ou des formules magiques qui "marchent à tous les coups". (Si vous cherchez un truc "qui marche à tous les coups", c'est de toute façon mal barré.) Il faudrait parler entre hommes des râteaux, de la débandade, des petits pénis - c'est-à-dire déballer vos vulnérabilités aussi entre vous, sans se vanter, sans en faire trois tonnes, avec sincérité. Certains d'entre vous possèdent déjà ce genre d'amitiés. Les autres devraient se contacter dans les commentaires facebook de cet article pour se rencontrer :)
Parce que comme femme, si j'avais reçu un drachme à chaque fois qu'un homme me disait qu'il n'a de conversations honnêtes qu'avec des femmes, je serais riche. Mais ça n'est pas une solution (même si j'adore mes amis hommes). En fait, tant que les femmes serviront de tampons émotionnels, on n'avancera pas. La conversation des hommes avec les hommes - sur #metoo, sur le sexe, se fait attendre. Vous commencez quand ?