(Ohlà, camarades, nous entamons une série sur la post-pornographie... suite à une conférence que j'ai donnée récemment à Bruxelles. Voici donc le premier volet, qui remet un peu les bases
(Ohlà, camarades, nous entamons une série sur la post-pornographie... suite à une conférence que j'ai donnée récemment à Bruxelles. Voici donc le premier volet, qui remet un peu les bases chiffrées sur la table.)
60% de la population a déjà visionné de la pornographie. C’est peu, non ? C'est normal, les chercheurs ont compté les grands-parents (ou grands-grands-parents). Je vais détailler un peu plus loin, mais continuons avec les basiques... Par exemple, 75% des consommateurs sont des hommes. Et encore... il serait facile d'imaginer que les personnes qui divulguent ces chiffres gonflent le pourcentage des femmes pour les faire venir plus nombreuses. D'ailleurs, toutes les données fournies par les sites eux-mêmes sont à prendre avec des pincettes : la pornographie formerait entre un dixième et un tiers du trafic mondial sur Internet (ça dépend des chercheurs et ça dépend des agendas des chercheurs - je pense personnellement qu’on est plutôt à 10%), cependant, le site le plus populaire, PornHub, n’arrive qu’à la 36e place du classement mondial des sites les plus visités (les trois premiers sont Google, Youtube et Facebook). Il est suivi par XVideos, 39e place, Bonga Cams, 48e place, XHamster, 76e, XNXX, 91e. PornHub a été visité presque 30 milliards de fois l’an dernier, avec 50 000 recherches par minute, 800 par seconde. C'est pas mal :)
Un quart des Français/Belges sont des consommateurs réguliers… c’est-à-dire qu’ils consomment plusieurs fois par semaine, voire tous les jours. Ils restent entre 10 et 20 minutes en moyenne sur le site - ça dépend quel institut de sondage a posé la question. Mais dans un cas comme dans l’autre, ça représente 2 à 4 jours chaque année.
22 % des adeptes consultent des sites porno au boulot, et 20 % ont déjà été pris en flagrant délit. La France se situe au 6e rang de la consommation mondiale. Mais la Belgique est au 20e rang, à peu près au même niveau que l’Argentine, la Russie, ou l’Afrique du Sud, qui pourtant possèdent considérablement plus d’habitants.
Affinons encore un instant :
- Si vous faites partie d’une catégorie socioprofessionnelle supérieure, vous n'êtes a priori pas des consommateurs réguliers. Pour les femmes, on tombe même à 0%. Idem pour les plus de 35 ans, trop blasés sans doute. C’est comme si le porno était une passade de jeunesse.
- Les homos consomment plus que les hétérosexuels, qu’on parle de gays ou de lesbiennes.
- Les hommes célibataires consomment plus que les mariés. Pour les femmes, c’est l’inverse. Les hommes sont donc potentiellement les instigateurs des visionnages féminins.
- Les athées consomment plus que les croyants, les citadins plus que les ruraux, les obèses plus que les minces, et les malheureux au lit un chouïa plus que les ultra-satisfaits.
Si on parle strictement des jeunes (18-24 ans, le futur de la nation), on a 93% des garçons et 56% des filles qui ont déjà vu un film porno. Il n’y a aucune raison que ça n’augmente pas à l’avenir : le tabou perdure, mais sa transgression devient de plus en plus facile - pour les adolescents, c’est une étape qui permet d’entrer dans la cour des grands... tout en restant tranquillement derrière son mobile.
Mais là où ça devient amusant, ou inquiétant, c’est que 52% des 15-17 ans (dont 64% de garçons et 39% de filles) ont vu une vidéo pornographique. C'est donc AVANT leur premier rapport sexuel. La représentation graphique, et même ultragraphique, passe chronologiquement avant la découverte par soi-même. Ça veut dire que la réalité des rapports ne fait pas contre-poids, parce que cette expérience n’a pas encore eu lieu. Faut-il s'en alarmer ? Pas forcément : les jeunes ont de l’esprit critique (mais pas forcément tous au même niveau), et même en tant qu’adultes... nous pouvons manquer d’esprit critique. La consommation de porno a en effet des conséquences concrètes.
- Près d’un consommateur sur deux a tenté de reproduire des positions ou des scènes vues dans des films pornographiques.
- Un homme jeune sur trois a déjà été complexé sur la taille de son pénis en regardant un film porno.
- Omniprésente dans l’univers X, l'épilation intégrale est de plus en plus répandue chez les jeunes filles : la moitié des filles de moins de 25 ans (45%) et un quart des femmes de 25 à 34 ans (26%) sont épilées intégralement.
- Une personne sur dix a cherché à pimenter sa vie de couple en filmant ses ébats avec son/sa partenaire.
- 60 % des jeunes ont déjà envoyé un sexto.
- 23 % des hommes et 15 % des femmes ont déjà envoyé une photo dénudée, et 28 % pourraient se laisser tenter à l’avenir.
- 10 % ont déjà fait l’amour virtuellement avec leur partenaire.
Ce qui signifie que nous sommes tous - ou presque - des producteurs de pornographie. Et ça, nous y reviendrons dans l'épisode suivant...