On attendait les chiffres, ils sont arrivés : six/huit mois plus tard, la révolution #metoo a-t-elle été entendue par les hommes ? Car on dit souvent que les femmes sont les premières
On attendait les chiffres, ils sont arrivés : six/huit mois plus tard, la révolution #metoo a-t-elle été entendue par les hommes ? Car on dit souvent que les femmes sont les premières concernées : mais, euh, non, pas du tout. La dynamique sociale touche tout le monde, et pour qu'il y ait des victimes, il faut non seulement des coupables, mais aussi des témoins qui regardent ailleurs, des flics pas motivés, des législateurs qui ne comptent pas faire appliquer la loi, des réalisateurs qui échappent à la justice, des gens qui glamourisent les femmes abusées, etc.
Commençons donc par un peu de déprime : 47% des hommes interrogés par GQ US n'ont parlé de #metoo avec personne, jamais. C'est une des énormes surprises de cette enquête. En terme d'actualité pure et dure, #metoo n'a jamais quitté les news, de la politique aux dérapages télé en passant par les festivals et les initiatives des associations : ne pas en parler revient soit à vivre dans une cave sans aucun contact humain NI contact Internet, soit à refuser catégoriquement de s'intéresser à son environnement. A ce niveau, c'est quasiment militant... comme si on pouvait annuler un événement en refusant d'en parler (scoop : ça n'arrivera pas).
Meilleure nouvelle : 77% des hommes comprennent qu'il faut s'assurer du consentement du début à la fin (à l'inverse de cette étrange idée qui veut qu'une femme qui accepte d'être embrassée, accepte aussi d'être sodomisée à trouze dans une Fiat Punto). CEPENDANT. Chez les djeunz de moins de 35 ans, on a encore une moitié d'hommes qui estiment qu'embrasser implique de vouloir se livrer à des actes sexuels. Etrangement, la génération la plus susceptible d'avoir remarqué l'existence du mouvement #metoo est aussi celle qui a du mal à comprendre ses fondamentaux. On répète donc pour ceux qui n'ont pas bien entendu : si vous commandez un soda dans un bar, le serveur ne peut pas vous faire ingurgiter le menu entrée-plat-dessert avec double ration de saucisson.
Revenons au retour de bâton : le viol conjugal n'est pas encore entré dans le radar de 3 hommes sur 5. Pour eux, le mari a le droit de coucher avec sa femme. C'est exactement le même problème que le consentement continu : elle a dit oui pour une chose, c'est donc oui pour le reste → elle a dit oui une fois, c'est donc oui pour toutes les autres fois. Désolée, le couple n'est pas un open-bar, le désir se mérite.
Enfin, tandis que 38% des hommes se sont remis en question après #metoo en réévaluant leurs actes passés (certaines femmes l'ont fait aussi), on reste sur une énorme méfiance : 84% ont peur que des accusations tombent sur des innocents. Rappelons donc avec amertume que pour l'instant, sur les 10% de viols faisant l'objet d'une plainte, 7 sur 10 sont classés sans suite, et 1 sur 10 termine en non-lieu. Du coup, quitte à se rendre utiles, on aimerait que les grands anxieux reportent leurs angoisses sur les 98,5% de coupables qui passent à-travers les mailles du filet (chiffre tiré de cet exemple : en 2014, sur 90 000 viols estimés, 1300 condamnations, soit moins d'1,5%).
Enfin, un tiers des sondés ont peur que « ça » tombe sur eux ! Je suis un peu sceptique sur cette dernière confidence : pour ma part, je n'ai absolument pas peur qu'on m'accuse de trafic d'armes ou de zoophilie (même s'il m'est impossible de prouver que je n'ai jamais forniqué avec un poisson rouge). D'ailleurs, même si une accusation-surprise arrivait et comme le montrent les chiffres ridicules des condamnations : la présomption d'innocence est vraiment, vraiment, vraiment, super bien, extraordinairement, respectée ! A mon humble avis, il n'existe que deux types d'hommes angoissés par les fausses accusations : les vrais paranoïaques en crise de panique (qui sont également persuadés qu'une météorite va tomber pile sur leur maison), et ceux qui ont conscience d'avoir quelques cadavres dans le placard. Mais si une petite sueur froide permet de remettre à jour son comportement, c'est finalement peu cher payé...