Je lisais récemment sur Twitter que les « penseurs » masculinistes ont le mérite de donner aux hommes des règles à suivre, alors que les féministes ne font que poser des limites.

Je lisais récemment sur Twitter que les « penseurs » masculinistes ont le mérite de donner aux hommes des règles à suivre, alors que les féministes ne font que poser des limites. (Une règle n'est-elle pas une limite ? Vous avez quatre heures.) La critique revient constamment : les hommes savent ce qu'ils ne doivent pas / plus faire. En revanche, aucun modèle positif n'est jamais proposé.

Bon. Rappelons tout d'abord que « les féministes » comme catégorie homogène est une blague. « Les féministes » s'étendent du mysticisme à l'anarchisme, s'engueulent en art, en politique, en écologie, sont antiracistes ou pas, conservatrices ou libérales, elles regroupent sous leur bannière des tenantes de l'éternel féminin (« les femmes sont instinctives, parlent aux bêtes et se révèlent dans la maternité ») comme des adeptes de l'universalisme le plus radical (« les femmes ne sont rien d'autre que la lutte entre ce que la société espère d'elles vs. leurs propres désirs »). Cette diversité est bien normale – bien humaine. Nous sommes des gens. Si j'avais deux enfants et un conjoint occupé, je serais sans doute féministe comme Titiou Lecoq. Si j'avais une passion pour les destins invisibles, je serais Pénélope Bagieu ou le collectif Georgette Sand. Tout cela est compatible. Mais vous ne pouvez pas demander aux féministes en général de répondre à la question de la séduction : la plupart d'entre elles s'en foutent, ça n'est pas leur domaine de recherche. Par ailleurs et sans vouloir ironiser : la séduction n'est pas une urgence vitale dans le combat des femmes.

En revanche, puisque moi, ça m'intéresse... bien sûr qu'on peut être féministe dans la séduction ! Le modèle que je prône et qui me semble compatible avec un monde post-#metoo est simple : un rééquilibrage entre séduction « active » et séduction « passive » (même si ces concepts sont totalement datés : quand les femmes se tirent les cheveux et s'arrachent les poils de la chatte pour aller en rendez-vous, elles sont objectivement dans une démarche plus active qu'un prétendant qui se contente de commander un mojito au bar).

La séduction vendue aux hommes consiste à aller chercher les femmes. Celle que je voudrais voir advenir consiste à faire venir les femmes : se rendre désirables pour les femmes. Nous sommes encore aujourd'hui dans un paradigme où les hommes (ceux qui posent problème) veulent être aimés pour ce qu'ils sont – sans rien embellir, ni leur physique, ni leur personnalité. Ils veulent être aimés à l'état de nature, au réveil, les dents pas lavées, les cheveux en vrac, la barbe improvisée. Ils veulent être aimés quand ils sont mesquins, cyniques, ennuyés, bourrés, quand ils jurent, rotent, insultent, quand ils sont stupides, quand ils se battent pour une connerie. Pour résumer : ils veulent être aimés par droit divin, sans effort de polissage.

Cet effort, ils le font pourtant pour leur employeur, pour aller à un mariage ou pour déjeuner chez Mamie. C'est terriblement insultant quand ces hommes-là te disent : « je peux soulever des montagnes, mais pas pour ma vie sexuelle ni sentimentale » et qu'ils le justifient en disant que c'est une question d'intégrité. Vous imaginez si les femmes ne faisaient plus aucun effort ? (Sommes-nous moins intègres ?)

Je comprends parfaitement l'attrait pour l'idée d'être aimé « authentiquement » et de manière inconditionnelle. Mais c'est un désir immature. Dans l'univers des adultes, on ne peut pas se comporter n'importe comment et être adoré. Si vous estimez que les femmes doivent vous aimer inconditionnellement comme vous êtes, vous cherchez une mère – et il ne faudra pas se plaindre du fait de n'être plus désiré sexuellement.

Faire un effort de présentation, ça n'est pas tricher. De même que mettre un costume au bureau, ou dire bonjour-siouplaît-merci, ça n'est pas tricher non plus : ce sont des lubrifiants sociaux. Nous en avons besoin pour acheter une baguette. Nous en avons aussi besoin pour désirer. Les femmes sont des humains comme les autres, aimant les belles fesses bien moulées comme les autres (ou les belles dents, ou les belles lèvres, chacune ses obsessions – mais elles sont autant intellectuelles que charnelles, et il est agaçant qu'aux femmes on continue de refuser l'attrait de la belle chair).

Pour l'instant, les chantres de la séduction font croire aux hommes qu'ils peuvent aller chercher une femme avec des mots ou des actes – sans se questionner en amont, et en utilisant des formules magiques ou des décryptages ou je ne sais quels raccourcis. Il y a cette idée de conquête et de chasse. Et pourquoi pas. Mais ça n'est qu'un versant de la séduction, et en toute franchise : le versant pauvre. Ce que je vous propose, c'est que la biche vienne vers vous. Qu'elle ait envie de vous.

Et pour ça, vous aurez commencé la démarche de séduction dès le matin, sous la douche, en vous habillant, en ayant une super présentation – et je ne parle pas que des cheveux, mais aussi de l'aisance, du charisme, de l'humour, bref, de vous en tant qu'être humain en général (on n'est pas des monstres). Cela prend plus de temps ? Pourtant, ça marche mieux qu'une formule magique - à long terme, ça n'est pas si chronophage par rapport aux râteaux et à l'impression étrange de tourner en rond. Ce rééquilibrage serait égalitaire, et agréable, et féministe (et efficace, sans vouloir me répéter). Il a déjà commencé, mais on est loin, loin, loiiiin du compte... Les périodes de transition sont toujours difficiles : gardons le moral !