Jean Tirole et Olivier Blanchard, présidents de la commission (Wikimedia Commons)
Climat, inégalités, démographie : l’Elysée a nommé une commission d’économistes pour relever ces trois défis. Sans Esther Duflo. Avec
Jean Tirole et Olivier Blanchard, présidents de la commission (Wikimedia Commons)
Climat, inégalités, démographie : l’Elysée a nommé une commission d’économistes pour relever ces trois défis. Sans Esther Duflo. Avec peu de femmes.
Emmanuel Macron a annoncé vendredi 30 mai l’installation d’une commission d’expert.e.s. parce que, explique l’Elysée «surmonter la crise qui nous fait face, répondre aux défis globaux, implique de prendre des mesures fortes et adaptées, d’adopter des idées nouvelles, de mettre en œuvre des actions audacieuses.» Le président de la République attend de cette commission « des solutions économiques nouvelles » sur trois enjeux cruciaux que sont le climat, les inégalités et la démographie. Et un rapport en décembre 2020.
Idées nouvelles ? Solutions audacieuses ? L’angle d’une politique économique féministe aurait pu correspondre. La crise a montré combien le travail relégué aux femmes était indispensable. Et combien il était nécessaire de le valoriser pour passer d’une société de croissance parfois destructrice à une société du soin. Nous l’avons écrit à plusieurs reprises (voir plus bas). Ce n’est pas ce qui semble se dessiner avec la composition de cette commission.
Le milieu économique reste très masculin, plus encore que la politique qui a dû évoluer avec les lois sur la parité. Pourtant, les économistes femmes sont légion. Il y a quelques jours un prix nommé « prix du meilleur jeune économiste » était remis à une femme, ce qui en dit long sur les difficultés de ce milieu à accepter que les temps changent.
D’ailleurs, en annonçant la nomination de la commission, l’Elysée ne manie pas l’écriture inclusive. Il est question d’experts, pas d’expertes. Et la première femme qui apparaît dans la liste, Mar Reguant est ainsi présentée : « professeur agrégé (sans »e » -ndlr) en économie à l’Université Northwestern. Auparavant, elle a travaillé au Stanford GSB. Elle a reçu son doctorat du MIT en 2011 ». Elle est co-leader de la sous-commission « climat ».
Pour présider, deux hommes : Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014, et Olivier Blanchard, chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) de 2008 à 2015. Parmi les membres français, des proches du président de la République comme Jean Pisani-Ferry ou Philippe Aghion.
Parmi les absences remarquées de grands économistes, celle de Thomas Piketty, spécialiste mondialement reconnu des inégalités qui a dit à Challenges qu’il n’aurait rien eu à faire dans ce « fan club » d’Emmanuel Macron . Et surtout la Française Esther Duflo, Nobel d’économie 2019… qui s’est prononcée en faveur du retour de l’impôt de solidarité sur la fortune. Un projet que goûte assez peu le gouvernement.
Cette commission rappelle celle réunie par Nicolas Sarkozy en 2008 autour de trois hommes : les prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Amartya Sen, et le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Jean-Paul Fitoussi. Ils devaient proposer des indicateurs de richesse alternatifs au PIB. Une idée défendue depuis de nombreuses années par des économistes « hétérodoxes » hommes et femmes qui ne faisaient pas partie de la commission. Une idée d’économie féministe défendue très timidement par cette commission et qui n’a pas vraiment fait son chemin. (Voir Cosmétique du PIB par la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi )
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