D’aussi loin que je me souvienne, la liberté a toujours été un sentiment auquel j’étais attachée. Et j’ai toujours eu un profond respect pour la liberté des autres. A plusieurs reprises dans mon chemin de vie, j’ai quitté des situations dans lesquelles je me sentais enfermée, pour conquérir ma liberté.

Devenir libertine, aborder le sexe en suivant ma curiosité et mes envies (et en dehors de l’expérience sexuelle lambda, par la force des choses), était également un cheminement vers cette chère liberté. Mais, avec le recul, celle-ci n’est pas aussi totale que ce j’imaginais.

Faire plaisir ou se faire plaisir

Curieuse j’ai toujours été en matière de sexe. En lisant « Vilaines filles. Les travailleuses du sexe, les clientes et la journaliste » de Pauline Verduzier, une phrase m’a fortement interpellée : « Je veux être gentille et je veux qu’on m’aime ».

Je me suis pris une claque. Cette phrase, et plus largement le propos de l’autrice, qui porte sur son propre parcours un regard critique, est criante de vérité sur le conditionnement des femmes à se conformer à ce qu’on attend d’elle.

Ces logiques intériorisées biaisent le rapport au corps (qui doit rester sous contrôle et désirable), les interactions avec les hommes (auxquels il faut plaire) et l’expérience de la sexualité (tout l’enjeu étant, comme le dit l’autrice, de dissocier le désir de l’autre de son propre désir). Elles concernent toutes les femmes, me concerne, concerne ma fille.

Et même dans le cadre du libertinage, qui se veut l’espace d’ouverture et de liberté extrêmes, on peut suivre le même schéma et faire (avec consentement et s’en rendre réellement compte), ce qu’on attend de nous, pour faire plaisir.

En prendre conscience, c’est se poser la question de ce qui nous plait vraiment dans le fond.

Respecter ou sortir des codes

La liberté n’est jamais totale, même en matière de libertinage. En témoigne ce couple d’hommes bi, qui exprimait simplement ne pas trouver sa place dans l’univers du Cap d’Agde, miroir grossissant de l’activité libertine.

Les soirées libertines sont fortement codifiées, c’est une réalité : Une bonne soirée doit se dérouler dans un lieu chic plutôt que banal, avec du champagne, des femmes bi / ouvertes aux caresses féminines mais recherchant surtout des hommes et avec des protagonistes entretenus et épilés (c’est visuellement plus joli, n’est ce pas). Le cadre général est posé, et contraint donc. La généralité devenant la norme et tout ce qui est dans la norme étant rassurant. Mais est-on vraiment libre du coup ?

En prendre conscience, c’est ouvrir le champs des possibles, s’autoriser à s’aventurer en terrain inconnu et se laisser surprendre par ce qui sort des codes.

Pénis ou chibre, le choix est cornélien

Le mot est tombé comme un couperet, au hasard de mon fil Instagram : phalo-centré. Aïe aïe aïe !

A titre personnel, il faut le reconnaître, qui a décrété que des ébats sexuels devaient forcément passer par je-descend-vers-ton-entrejambe-je-te-suce-tu-me pilonnes-tu craches-sur-mon-visage ? Si on se concentrait sur autre chose que le pénis ?

En prendre conscience, c’est interagir différemment et explorer (davantage) des façons de prendre du plaisir autre que par la pénétration.

Baiser ou pas

Me reviens souvent en mémoire un épisode de la série Malcom, sitcom diffusée début 2000, montrant le quotidien décalé et souvent absurde d’une famille au sein de laquelle grandit un surdoué. Au cours de cet épisode, les parents (Loïs et Hal) arrêtent de faire l’amour (je ne me souviens plus exactement pourquoi). Ils consacrent alors leur énergie à des tas d’autres choses, qu’ils délaissaient jusqu’à présent. Hal se remet notamment à bricoler frénétiquement (et l’état de la maison s’en voit grandement amélioré). Loïs s’investit davantage dans son boulot et monte en grade ou obtient une augmentation (mes souvenirs sont flous sur ce point).

Caricatural me direz-vous. Extrêmement drôle pour celles et ceux qui connaissent le ton de la série ainsi que la personnalité des personnages. Et intéressant de retenir qu’en orientant son énergie autrement, on vit les choses différemment.

En prendre conscience, c’est accepter quand l’envie n’y est pas, il n’y a pas mort d’homme (bien au contraire) et qu’être libertin(e) ne contraint pas à orienter toute son énergie, tout le temps sur le sexe. Ca, je pense que vous l’aviez bien compris, me concernant.

Libertine & féministe ?

Une fois que je me suis dit tout ça, cela ne m’empêchera pas de continuer à aller en soirée libertine en apportant une bouteille de champagne, ni de me transformer en salope assoiffée de sexe, ni d’aimer le chibre.

La seule différence, c’est qu’à l’instar de Néo dans Matrix, à partir du moment où j’ai goûté à la pilule rouge (pris conscience), je peux me positionner et m’inscrire dans une dynamique choisie (et non contrainte).

C’est en pleine conscience de ce que je veux et à l’écoute de ce qui me procure du plaisir, en étant à la fois bienveillante avec moi même et exigeante pour moi même, que je me laisserai porter et surprendre par le hasard des alchimies sexuelles et sensuelles.

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