Image extraite de la publicité pour Invictus (parfum pour homme)

Quand le CSA invite les agences de pub à ne plus produire de messages sexistes, on se dit “très bien”. Mais le

Image extraite de la publicité pour Invictus (parfum pour homme)

Quand le CSA invite les agences de pub à ne plus produire de messages sexistes, on se dit “très bien”. Mais le CSA fait de l’excès de zèle : les «stéréotypes sexuels et sexués» sont également dans sa ligne de mire. L’érotisme est désormais jugé “dégradant”.

On pourrait s’étonner que les personnes qui se battent pour la liberté sexuelle et reproductive des femmes s’allient –pour certaines d’entre elles– aux entrepreneurs de la morale. C’est pourtant bien le cas lorsqu’elles militent pour que des tableaux suggestifs soient retirés des Musées, par exemple, ou pour que les images érotiques soient interdites dans les médias et la publicité. Le CSA en fournit un exemple frappant. Depuis la création du groupe de travail «Droits des femmes» au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, les agences de publicité sont priées d’éviter toutes allusions sexuelles et même tout gros plan sur une bouche ou sur des seins. Cachez cette femme que je ne saurais voir. Il s’agit d’abolir le sexy, d’éliminer la séduction d’un monde voué à devenir celui des femmes «sachantes» (selon les termes du CSA).

Femmes savantes versus salopes

Dans un essai volontairement polémique –Délivrez-nous du Bien !– Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint attaquent : «Sylvie Pierre-Brossolette, qui se veut au CSA la grande prêtresse en charge des déviances sexistes, considère que “tant que l’on conserve ces clichés de représentation en objet de désir ou en consommatrice, on ne favorise pas le respect des femmes”. En cause, notamment, une publicité pour le parfum Invictus, de Paco Rabanne, mettant en scène un homme presque nu à la parfaite musculature, un sportif rentrant dans son vestiaire où l’attend un groupe de femmes.» Cette publicité provoque l’ire du Conseil qui, dans son dernier rapport (octobre 2017) note que les femmes y sont «uniquement couvertes par un léger voile.» Ciel.

Honnies soient les «poses lascives»

Dans le même rapport (en PDF ici), le Conseil s’offusque d’avoir vu une femme «vêtue d’abord d’une robe rouge, puis prenant une douche, bouche entrouverte et yeux fermés» dans une publicité pour voiture. Ce type de fantasme est désormais interdit. L’enjeu est de taille : il s’agit de changer les comportements. Le but avoué du Conseil est «d’encourager les évolutions déjà en cours», c’est-à-dire encourager les gens à trouver scandaleuse la vision d’un corps dénudé, voire pire, une mimique sensuelle. Dans Libération, Sylvie Pierre-Brossolette affirme : «les messages [des pubs] sont parfois subliminaux, avec des poses lascives ou des airs évaporés, qui imprègnent les mentalités.» Souhaite-t-elle expurger les mentalités de toute trace d’«irrespect» envers les femmes ? Pour elle, est-il «irrespectueux» qu’une femme paraisse attirante et/ou attirée ?

Femme dénudée : femme insultée ?

Sous sa houlette, le CSA, maintenant joue le même rôle que ces indics chargés en Iran de lutter contre «l’immoralité» c’est-à-dire le mauvais port du voile. Il s’agit de recouvrir les femmes dans la publicité, afin de préserver leur vertu sans doute. Même les publicités de produits d’entretien du corps sont soupçonnées de porter atteinte à la dignité des femmes auxquelles ils sont vendus. Déplorant que les pubs pour savon montrent des personnes qui s’en servent, le Conseil regrette fortement que sur les 154 publicités de produits d’entretien du corps «83 d’entre elles mettent en scène une nudité partielle ou totale des personnages féminins». Il faudrait donc que les femmes prennent leur bain tout habillées.

Une forme de censure déguisée

Dans Délivrez-nous du Bien !, Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint expliquent : «L’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité), qui a succédé en 2008 au BVP, est un organisme professionnel qui doit donner son avis avant la diffusion de tout film publicitaire télévisé. Chaque année, il publie une charte déontologique, listant les termes et concepts prohibés. Au fil des ans, la liste s’allonge démesurément, à la demande du CSA.» On peut comprendre bien sûr que les publicitaires soient encouragés à se mettre à la page, c’est-à-dire qu’ils cessent de mettre en scène bobonne comme une idiote. A moins qu’elle ne fasse rire, l’idiotie des femmes dans la pub est véritablement énervante. Mais faudrait-il nettoyer les pubs de tout ce que le CSA désigne hypocritement comme «dégradant» ?

«Dégradant»… pour ne pas dire «indécent» ?

«Dégradant» est un mot bien utile pour dire «indécent» sans paraître pudibond. Mais qui est dupe de ce tour de passe ? Le problème, c’est que le CSA pratique maintenant la police de la pensée (ou plutôt la police des moeurs), dans l’approbation quasi-générale. Presque personne ne proteste contre ses excès de zèle. Le dispositif de censure qui se met en place paraît d’autant plus légitime qu’il s’appuie sur l’idéal de l’égalité homme-femme. Au nom de cet idéal, des institutions étatiques font maintenant régner une politique d’intimidation qui relève de la répression sexuelle. Sous couvert de défendre l’égalité entre les sexes, elles sont en train de nous faire plonger dans une nouvelle ère victorienne.

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La morale sexuelle du CSA s’appuie-t-elle sur l’idée que la femme est le sexe faible ? La réponse au prochain article, mercredi.

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Article sponsorisé par Tatiana

 

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Délivrez-nous du bien ! Halte aux nouveaux inquisiteurs, de Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint, éditions de l’Observatoire, sept. 2018.

«La mort du sexisme dans la publicité en 2018 ?», article de Jeanne Le Barbenchon, Influencia, 01/03/2018.

CET ARTICLE FAIT PARTIE D’UN DOSSIER EN DEUX PARTIES : «Les leçons de morale du CSA» ; «Objet de désir, c’est mal ?».

POUR EN SAVOIR PLUS : «L’érotisme, c’est du sexisme ?» première partie, «L’érotisme, c’est du sexisme ?» deuxième partie.