Aujourd’hui loisir pour les hommes, utile et écolo pour les femmes, le vélo ne sera un moyen de transport anti-épidémie

Aujourd’hui loisir pour les hommes, utile et écolo pour les femmes, le vélo ne sera un moyen de transport anti-épidémie que si l’aménagement de l’espace urbain compose avec les rôles sociaux de sexe.

A l’heure du déconfinement progressif, beaucoup de Français.e.s envisagent le vélo pour échapper aux transports en commun. « Mais toutes et tous y accèdent-ils dans un espace public égalitaire ? » demande le géographe Yves Raibaud, dans le journal du CNRS. Ce spécialiste de la géographie du genre, qui avait grandement contribué au colloque des Nouvelles News sur ‘Le sexe de la ville’, revient sur une étude qu’il a réalisée pour Bordeaux Métropole en 2018.  Constatant que le vélo, déjà vanté pour le développement durable, est aujourd’hui présenté comme un acteur de la lutte contre le covid-19, il donne des pistes sur des aménagements urbains nécessaires à une augmentation de la pratique du vélo pour tous et toutes.

Le constat tout d’abord. Le « sexe social » du vélo se cale sur les rôles sociaux de sexe en vigueur encore aujourd’hui. Aux hommes les loisirs, la performance, le risque. Aux femmes, des déplacements à vélo utilitaires et bons pour l’environnement. A tous les âges, les pratiques diffèrent. Chez les jeunes, « les garçons raflent la mise en montrant leur courage et leur agilité sur des streetparks qui leur sont consacrés. » Tandis que les filles y ont très peu accès. Une forme d’apprentissage de la virilité sur deux roues qui ne fait que commencer. «  Le ‘sexe’ du vélo, c’est aussi la virilité de la chute, du risque, de la performance. Une passion que les hommes payent au prix fort : ils représentent 83 % des morts au Canada (2019), 72 % en Belgique (2017) et 86 % en France, notamment chez les livreurs à vélo, un nouveau et dangereux métier « d’homme » écrit Yves Raibaud. Et puis seuls les hommes courent un tour de France qui fait d’eux des héros, les femmes ayant été renvoyées à la maison faute de sponsors et de financements publics.

Loisir / utile

Les horaires de pratique du vélo sont très différents entre les femmes et les hommes. Ils pratiquent surtout aux heures de loisir, week-ends, matin ou soir. Elles utilisent le vélo le plus souvent en fin d’après-midi. Les vélos des hommes sont légers et ne transportent qu’eux-mêmes le plus souvent. Les vélos des femmes sont chargés de bagages, sacs de courses, vestes ou parapluies et équipés pour le transport : porte-enfant, sacoches, paniers, remorques, vélos cargos…   « Ils sont deux fois plus nombreux à ne rien transporter et trois fois moins nombreux à avoir des sacoches ou un porte-bébé » précise l’étude bordelaise qui ajoute que, si l’arrivée d’un enfant dans la famille ne change pas grand-chose à la pratique du vélo chez les hommes, chez les femmes on observe un décrochage…. Et elles ne semblent pas revenir aux deux roues en devenant plus âgées.

Les questions d’insécurité freinent aussi la pratique du vélo chez les femmes qui n’échappent pas aux remarques et comportements sexistes des transports en commun.  Sifflets, remarques misogynes émanent d’hommes automobilistes piétons ou cyclistes… Les femmes affirment aussi craindre les risques de chute, d’autant plus qu’elles transportent, plus souvent que les hommes, leurs enfants qu’elles accompagnent à l’école ou à divers loisirs.

Autre frein à la pratique du vélo souvent évoqué par les femmes :  « la question de la présentation de soi au travail lorsque jupes, tailleurs, talons, coiffure, maquillage font implicitement partie d’une « tenue professionnelle », peu compatible avec la pratique du vélo faute de vestiaires et équipements adaptés. »

Au final, pour que la pratique du vélo augmente, il faut davantage de sécurité : des pistes cyclables sécurisées et éclairées la nuit, des lieux sûrs pour garer son vélo, une lutte féroce contre les agressions sexistes, des équipements et/ou assouplissements des normes pour rendre compatibles la pratique du vélo et les obligations vestimentaires professionnelles. Et des financements publics pour soutenir la pratique du vélo électrique. Pour que le vélo soit un moyen de transport urbain efficace et pas seulement un loisir réservé à des jeunes en bonne santé.

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