Yuka Kojima, en couverture de Forbes Japan, numéro septembre 2015。

Yuka Kojima rêvait qu’un personnage de jeu vidéo la regarde droit dans les yeux. A l’âge de 27 ans, elle créé sa

Yuka Kojima, en couverture de Forbes Japan, numéro septembre 2015。

Yuka Kojima rêvait qu’un personnage de jeu vidéo la regarde droit dans les yeux. A l’âge de 27 ans, elle créé sa propre compagnie et lance des lunettes de réalité virtuelle inédites. Grâce à ces lunettes, beaucoup de choses pourraient changer dans nos vies (parallèles).

Depuis sa petite entreprise, située près d’Akihabara –le berceau de la culture otaku–, Yuka Kojima défie Sony, Google ou Facebook. En 2014, avec l’ingénieur Lochlainn Wilson, elle a fondé une compagnie qui démarre à l’aide d’une plate-forme de financement participatif. En 2015, la revue Forbes lui consacre sa couverture. Dans une posture à la Jeanne d’arc, Yuka Kojima pose avec les lunettes de réalité virtuelle sur le front. Elle devient une des «cent femmes les plus puissantes du monde», ainsi que Forbes le formule. Yuka Kojima a en effet lancé des lunettes VR inédite. Ces lunettes permettent de créer un effet de présence : dans le monde virtuel, les êtres que vous regardez modifient leur comportement. Ils vous «sentent». Même un simple coup d’oeil peut modifier le jeu. Plus besoin de cliquer avec des manettes : par le regard seulement, détruisez un ennemi ou faites qu’un homme s’approche de vous.

«I Fove you»

«J’en ai toujours rêvé, explique Yuka. Communiquer sans les mots…». L’amour virtuel, dit-elle, deviendrait tellement plus intense par échanges de regard. Les jeux d’action aussi.C’est maintenant possible grâce à la compagnie qu’elle a créée sous le nom de Fove. Fove vient de «fovéa», une partie de la rétine considérée comme la zone d’acuité maximale qui permet à l’oeil de voir les petits détails. Fove est aussi un jeu de mot sur «love». Pour Yuka Kojima, «l’amour c’est avant tout les yeux», dit-elle. Dans les lunettes Fove, des capteurs infrarouges suivent avec précision les mouvements de pupille.

Des lunettes VR avec capteurs de rétine

Ces lunettes intègrent un système d’Eye-Tracking (suivi oculaire). Le concept n’est pas unique mais Fove est la première compagnie au monde à le distribuer à un prix abordable, damant le pion aux concurrents. 7000 cyber cafés le louent entre le Japon et la Corée, 25 millions de personnes l’utilisent chaque mois, 1480 personnes l’ont commandé via Kickstarter et 250 jeux sont en préparation, conçus suivant des standards inédits. De fait, ces lunettes risquent fort de changer la conception des jeux vidéos. Elles permettront par exemple de faire éclore les fleurs que vous regardez dans un jeu ou de faire surgir un monstre derrière la fenêtre reflétant votre visage. Partout où vous porterez les yeux, des choses se déclencheront, créant l’illusion que le monde en VR «sent» votre présence.

On n’existe pas quand on est transparent

Le système créé par Fove est essentiel pour le développement de la réalité virtuelle car ilcrée l’illusion d’exister réellement dans le monde immersif… d’exister au regard des choses qui vous entourent. Vous serez vu par les créatures virtuelles. Elles réagiront à votre «présence». C’est ce que Yuka Kojima appelle le «feedback contextuel». Les interfaces de jeux basées sur la détection du regard impliqueront le réalisme accru des interactions. Mais les lunettes Fove présentent un autre avantage, et de taille : calculant l’endroit où vous posez le regard, elles permettent de simuler un champ de vision, en rendant flou les objets dont vos yeux s’éloignent. Ce faisant, elles réduisent l’impression de nausée qui saisit les utilisateurs de lunettes en VR au bout de vingt minutes.

Jouer du piano sans les mains ?

Ces lunettes ouvrent encore bien d’autres perspectives, au-delà du champ des jeux. Elles permettent aux handicapés de jouer du piano avec les yeux ou de surfer en mains libres. Elles permettent aux personnes séparées par la distance de communiquer via les lunettes, ou de partager un moment comme par téléportation. Yuka Kojima espère à terme, et le plus vite possible, intégrer aux lunettes Fove un système de reconnaissance faciale, permettant de communiquer non seulement par les yeux, mais par les expressions du visage. Le monde du virtuel deviendrait alors bien plus complexe. Pour l’instant, la plupart des jeux fonctionnent en mode pousse-bouton, suivant une logique purement mécaniste. Imaginez que les jeux prennent en compte vos émotions. Il deviendrait alors possible d’avoir de vrais échanges avec les hommes et les femmes de fiction.

.

Cet article a été rédigé au Japon, dans le cadre d’une recherche postdoctorale soutenue par la Japan Society for the Promotion of Science (JSPS). Merci à M. MATSUMOTO Takuya et à Nicolas Tajan (Université de Kyôto).